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Lavage des mains et résistance au changement

15 Septembre 2020

Un mètre de distance, se laver les mains, porter un masque constituent les "gestes barrières" pour limiter l'épidémie de covid-19.

Comme thérapeutes, nous sommes convaincus de leur utilité et nous appliquons ces gestes dans notre pratique quotidienne.

Le port du masque fait l'objet de polémiques, notamment sur le réseaux sociaux, mais ce n'est pas le sujet de cet article. Nous nous intéressons ici au lavage des mains, non pas tant pour ses qualités antiseptiques essentielles et largement démontrées, mais pour son histoire, qui constitue un cas illustratif des mécanismes de résistance au changement que mettent en place les êtres humains.

 

Un peu d'histoire

Au cours de la seconde moitié du XIXème siècle, Louis Pasteur (entre 1860 et 1864), Robert Koch (en 1890) et d'autres scientifiques ont prouvé l'origine microbienne de nombreuses maladies, et par conséquent l'importance de l'hygiène pour prévenir les maladies. Jusqu'alors cette hypothèse avait été fortement combattue, par exemple par les tenants de la théorie de la génération spontanée des maladies.

Ignace Philippe Semmelweis, médecin obstétricien hongrois (1818-1865), est un des précurseurs de cette théorie des maladies microbiennes et il est un des premiers à prescrire le lavage des mains pour prévenir les maladies. A ce titre, il a fait l'objet d'articles récents dans les médias.

En juillet 1846, Semmelweis est nommé chef de clinique au premier service d'obstétrique de l'hôpital général de Vienne. Le taux de mortalité des femmes est tel (13 à 18% selon les mois) que beaucoup de femmes préfèrent accoucher dans la rue plutôt qu'à l'hôpital.

 

Une découverte majeure

Par ses recherches et ses expériences, Semmelweis conclut que c'étaient lui et les étudiants qui, depuis la salle d'autopsie (dans cette clinique, ce sont les mêmes médecins qui autopsient les cadavres et examinent les femmes enceintes), apportent sur leurs mains les particules de contamination aux patientes qu'ils soignent. Il prescrit l'emploi d'une solution d'hypochlorite de calcium pour le lavage des mains à l'ensemble des examens qui mettent les médecins en contact avec de la matière organique en décomposition. Le taux de mortalité tombe spectaculairement à 1,3%.

Malheureusement, ces résultats vont contre l'opinion qui prévaut alors chez les médecins, qui ont d'autres théories, qui trouvent le protocole de lavage des mains trop lourd et qui pour certains ne peuvent admettre, consciemment ou inconsciemment, qu'ils sont responsables de tant de morts.

Les conflits qui s'ensuivent sont nombreux. En 1850, Semmelweis ne peut plus exercer à l'hôpital de Vienne et choisit de retourner en Hongrie où il applique avec succès ses prescriptions. En 1861, il publie sa découverte dans un livre, qui provoque de nombreuses critiques défavorables. S'ensuivent de nombreux conflits entre Semmelweis et ses détracteurs.

En juillet 1865, Semmelweis est victime de ce qui semble être une dépression nerveuse. Il est interné en août 1865 dans un asile psychiatrique à Vienne. Son comportement violent fait qu'il est battu par le personnel de l'asile. Il meurt de ses blessures 15 jours plus tard.

 

L'homéostasie

Cette histoire tragique confirme l'importance du lavage des mains dans la vie de tous les jours*.

Elle illustre aussi un phénomène propre aux systèmes : l'homéostasie.

En biologie et dans les approches systémiques, l’homéostasie** est un phénomène par lequel un facteur clé est maintenu autour d'une valeur utile pour le système considéré, grâce à un processus de régulation. Par exemple, la température dans une pièce est maintenue constante au moyen d'un thermostat.

Dans les systèmes humains (couples, familles, équipes, communautés professionnelles, pays, etc.), l'homéostasie est la tendance de tout système (dans notre exemple, la communauté médicale viennoise de l'époque) à maintenir un équilibre de fonctionnement. A chaque tentative visant à modifier l’équilibre d’un système, on trouvera une réaction visant à rétablir cet équilibre, même si l'équilibre de fonctionnement génère de la souffrance alors qu'un autre équilibre serait bénéfique au système. On trouve ici la notion de résistance qu'il est important de voir débarrassée de toute connotation négative.

Un système humain qui est soumis à un mécanisme homéostatique trop puissant est un système qui n’évolue plus, qui se fige, se met en danger et tend à sa perte. Un système qui serait au contraire démuni de ce principe homéostatique serait également un système qui irait à sa perte par le chaos.

 

Qu'en conclure pour les systèmes en général : familles, couples, équipes… ?

Pour comprendre ce mécanisme d'homéostasie au moyen d'une métaphore, nous pouvons assimiler une famille (un système familial) à une pièce de théâtre, dans laquelle chaque membre de la famille tient un rôle. Par exemple, une famille composée ainsi : le papa poule, la mère fouettarde, le fils brillant, son frère looser et la fille hystérique. Si l'un des membres du système cherche à faire différemment, le système va réagir pour lui demander de continuer à tenir le même rôle.

C'est ce qui rend complexe le changement dans un couple ou dans une famille.

Dans un système, le changement ne peut s’obtenir que par une communication efficace et la mise en place de stratégies réfléchies et conscientes, tenant compte du principe d’homéostasie et l’intégrant à sa stratégie. Il ne s’agit en aucun cas de lutter contre pour obtenir le changement***. Plus on luttera contre et plus le système réagira en maintenant son équilibre initial et donc en installant de la résistance.


Article et podcast de France Culture du 16/03/2020

Article de Paris Match du 01/09/2020

* Le lavage insuffisant des mains est à l'origine de plus de 50 % des infections d’origine alimentaire. L'observation de personnes dans les toilettes publiques révèle que 14,6 % des hommes ne se lavent pas les mains du tout, versus 7,1 % des femmes. Quand ils se lavent les mains, seuls 50,3 % des hommes utilisent du savon, versus 77,9 % des femmes. Les gens prétendent qu'ils se lavent les mains régulièrement, mais les études scientifiques montrent le contraire : alors que 92 % des téléphones portables sont recouverts de bactéries, 16 % sont contaminés par des bactéries fécales de type Escherichia coli. Source : Wikipedia

** Claude Bernard établit le principe de l'homéostasie en 1865. Le mot « homéostasie » a été créé par un physiologiste américain, Walter Bradford Cannon, professeur à la Harvard Medical School. à partir de deux mots grecs : stasis (« état, position ») et homoios (« égal, semblable à »). L’idée d’homéostasie fut aussi abondamment utilisée par William Ross Ashby, l'un des pères de la cybernétique (étude des mécanismes d'information des systèmes complexes), sur laquelle les approches systémiques sont fondées.

*** Les informations connues peuvent laisser penser (ceci est une hypothèse non vérifiée) que peut-être Semmelweis a trop voulu lutter contre.

 

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